Correspondance philosophique

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15 Mai
Journée d’étude et de pratique - Belgique - La Fabrique philosophique (ULiège/PhiloCité) : S’engager en classe de philosophie ? Neutralité et débat d’idées. Avec Nathalie [...]

Réintroduire du papier...

Passer par le numérique a quelque chose d’épuisant à force, et les overdoses d’écran sont bien compréhensibles (sans compter tous les soucis informatiques rencontrés par les élèves comme par les professeur·e·s ces derniers temps). Pour en sortir un peu, j’ai décidé d’investir – financièrement, oui oui ; à fonds perdus, certes. J’ai fourni à chaque élève, soit immédiatement dans sa boîte aux lettres soit en les déposant à l’école là où il·le·s peuvent aller chercher leurs travaux en version papier, une enveloppe et un timbre afin qu’il·le·s puissent répondre à une des lettres ci-dessous (7 différentes).

Les consignes de ce travail et la fiche-outil qui leur est distribuée sont reprises ci-dessous.

Ce travail, proposé ici sous format papier, est évidemment transposable au numérique. Le goût de la gomme arabique en moins…

Le résultat

J'ai compilé les 14 réponses reçues (soit une participation de 15%) en une seule lettre. Bonne lecture !

Lettres envoyées :

Bonjour [Walburge], 

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout allait pouvoir être comme avant alors qu’on a bien vu durant le confinement que la science a besoin de temps pour aboutir à des certitudes, et qu’il faut du coup financer des recherches avant pour pouvoir réagir adéquatement lorsqu’émerge un nouveau problème. 

Les études qui ont été financées ces derniers mois prendront encore plusieurs mois avant d’apporter des résultats suffisamment fiables, et les experts qui viennent tous les soirs parler au journal télévisé ne peuvent que s’inspirer d’épidémies antérieures et de modèles très incertains. On entend tout et son contraire et pour cause : on a le nez dans le guidon. Il faut pouvoir prendre les devants, pour ne pas se retrouver débordés par la « crise » quand elle se déclenche. 

La recherche doit-elle être appliquée et répondre aux questions du présent, ou fondamentale et apporter des connaissances plus larges, susceptibles dʼéclairer des situations imprévues ? La science est-elle une bonne conseillère pour les décisions politiques qui doivent se prendre dans l’urgence ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur que le monde d’avant concernant la recherche scientifique, quelle serait cette chose selon toi ? 

Bises et à bientôt, 

Phil OʼSophe.

Bonjour [Pholien],

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout allait pouvoir être comme avant alors que pendant le confinement, les magasins étant fermés, on s’est recentrés sur les courses essentielles, sur ce dont on avait vraiment besoin au quotidien. On a pu se rendre compte des économies qu’on pouvait faire en nʼachetant que le nécessaire. Pas de tentations, de fringues qui seront passées de mode lʼannée prochaine et qu’on remplacera aussi vite qu’on les aura achetées. Pas de promos démentielles sur des objets dont on ne se servira qu’une ou deux fois avant qu’ils ne cassent (parce qu’ils sont étudiés pour ne pas résister au-delà de la durée de leur garantie constructeur). Juste de quoi se faire avoir bon en mangeant sain et gourmand.

Ce changement forcé dans notre façon de consommer devrait-il être poursuivi ? La production dʼobjets intentionnellement fragiles (à obsolescence programmée) devrait-elle être interdite ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur que le monde d’avant concernant la consommation, quelle serait cette chose selon toi ?

Bises et à bientôt,

Phil OʼSophe.

Bonjour [Hubert],

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout allait pouvoir être comme avant alors que pendant le confinement on a bien vu que les objectifs écologiques pouvaient être atteints si on y met les moyens : les usines arrêtées, les avions cloués au sol, les imports et exports ramenés à lʼessentiel, la pollution de l’air a été considérablement réduite ; sans les mouvements perpétuels de bateaux de marchandises ou de tourisme la pollution de l’eau est réduite aussi et les animaux ont réinvesti des espaces dont on les pensait définitivement enfuis. Le « jour du dépassement », qui se produit de plus en plus tôt chaque année, recule cette année de trois semaines et n’arrivera que le 22 août cette année !

La crise écologique ne mérite-t-elle pas, elle aussi, qu’on prenne des mesures politiques « d’exception » ? Le capitalisme n’est-il pas une menace aussi sérieuse pour la santé publique (vu ce qu’il fait à notre environnement) que le CoViD-19 ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur que le monde d’avant concernant la crise climatique, quelle serait cette chose selon toi ?

Bises et à bientôt,

Phil OʼSophe.

Bonjour [Barthélemy],

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout allait pouvoir être comme avant alors que nous avons, pendant le confinement, collectivement éprouvé la force qu’a l’État, garant de nos libertés fondamentales en temps normal (de nous rassembler, de circuler, de nous exprimer, de travailler…) et tout à coup capable de nous en priver. En quelques mots seulement, une première ministre inconnue la veille, un gouvernement en affaires courantes, nous assignent tous et toutes à résidence et mettent en place un système de sanctions pour les contrevenants.

Était-ce une bonne solution ? Les États démocratiques ont-ils eu raison de sacrifier ainsi nos libertés à la menace qui planait en termes de santé publique ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur que le monde d’avant concernant la balance entre liberté et sécurité, quelle serait cette chose selon toi ?

Bises et à bientôt,

Phil OʼSophe.

Bonjour [Marguerite],

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout allait pouvoir être comme avant alors qu’on a pu observer, pendant le confinement, le résultat désastreux des politiques menées par les gouvernements précédents en termes de financement des services publics de soins de santé. LʼÉtat est responsable du bien-être de ses citoyens, qui lui délèguent la charge de mettre en place des services dont chacun puisse bénéficier, et qui assurent à tous un égal accès à un niveau de vie et de confort minimal. Les hôpitaux nʼont pas été débordés comme on le redoutait, et pourtant nos soignant·e·s sont sur les genoux – tant leur situation était déjà difficile avant la « crise CoViD ».

Les soins de santé ne méritent-ils pas une attention politique toute particulière et des investissements publics à la hauteur des défis de santé publique actuels ? Faut-il continuer à organiser ce secteur en lui demandant dʼêtre « rentable » au prix dʼun traitement inhumain du personnel soignant et, du coup, des patients ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur que le monde d’avant concernant la balance entre liberté et sécurité, quelle serait cette chose selon toi ?

Bises et à bientôt,

Phil OʼSophe.

Bonjour [Yseult],

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout c’était tellement bien avant qu’on aurait envie d’y « retourner », alors que les inégalités sociales qui ont rendu le confinement tellement pénible pour certain·e·s existaient déjà et depuis longtemps.

Dans ce monde, on exploite et on sous-paie justement les gens qui se battent pour avoir un peu d’espace, un peu de nourriture, un peu de confort, et c’est encore ceux-là qui ont continué à aller travailler pendant que les nanti·e·s bossaient leur ordinateur portable dernier cri sur les genoux, au calme sur leur canapé… Et ce ne sont pas les chaînes de solidarité éphémères nées pendant ces quelques mois qui vont tout changer.

Quel traitement doit-on réserver à nous pauvres ? Les questions sociales ne méritent-elles pas une place de choix dans nos préoccupations ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur pour les pauvres que le monde d’avant, quelle serait cette chose selon toi ?

Bises et à bientôt,

Phil OʼSophe.

Bonjour [Tristan],

Jʼespère que ton déconfinement se passe bien. Cʼest étrange, tu ne trouves pas, ce « retour à la normale » qu’on nous vante… Comme si tout c’était tellement bien avant qu’on aurait envie d’y « retourner », alors que les violences policières étaient déjà très présentes, et dirigées contre les pauvres et les personnes racisées. Alors que pendant le confinement, et malgré que les gens restaient chez eux, on a entendu des témoignages d’arrestations arbitraires extrêmement violentes – et que dire de la mort d’Adil !?

L’État dispose du monopole de la violence légitime, mais quand ceux à qui l’État la confie en font un usage aussi illégitime, quel contrôle doit-on avoir sur eux, quelles sanctions doivent leur être appliquées ? Faut-il limiter plus concrètement les pouvoirs donnés à la police dans une situation d’exception comme celle qu’on a traversée ces derniers mois (confinement de toute la population) ?

Je me réjouis de lire ta réflexion sur ces questions. Dis-moi aussi : sʼil y avait une chose à faire pour que le monde d’après soit meilleur en termes de violences policières que le monde d’avant, quelle serait cette chose selon toi ?

Bises et à bientôt,

Phil OʼSophe.

Comment philosopher à distance ?

L’Histoire des siècles passés nous offre beaucoup d’exemples de correspondances philosophiques. Les grands esprits ne se trouvaient pas toujours dans la même ville, ni dans le même pays, et ils ne se rencontraient donc pas forcément dans la rue. Alors les idées voyageaient via la poste, et c’est parfois à des mois d’intervalles que les philosophes échangeaient leurs pensées.

Aujourd’hui, la poste est très rapide. Aussi, je te demande de m’écrire, avant le 25 juin (c’est à dire avant les délibés de fin d’année), une réponse aussi nuancée et précise que possible à la lettre qui t’est adressée dans ton cahier. Tu trouveras, pour t’aider, une fiche-outil sur la correspondance philosophique ci-contre.

Fiche-outil

Cliquez pour obtenir la fiche-outil distribuée, qui reprend quelques éléments d'aide formelle et de fond pour l'écriture d'une réponse à une lettre à portée philosophique.

Sources :

Cette idée de correspondance me vient – outre des circonstances inédites que nous vivons – de plusieurs lectures, qui proposaient toutes de travailler la correspondance philosophique en classe (le monde d’avant…) et en partant, soit en s’en inspirant soit en y répondant directement, de correspondances historiques, d’auteurs de la tradition philosophique. 

Classé dans :
Voir aussi :
C’est une affaire pour… le parlement des choses !

Une séquence pour clôturer l’UAA313 Bioéthique sur un élargissement des problèmes concernés : bien-être animal, reconnaissance juridique des écosystèmes et inclusion des non-humains dans les processus décisionnels sont au programme des réflexions insufflées par ces trois séances insuffisantes mais nécessaires par bien des aspects.

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