Un maudit virus continue à chambouler nos plans mais nous ne nous laissons pas abattre : il a seulement fallu faire preuve d’imagination et ne pas perdre sa passion !
Notre journée d’étude et de pratique sur les lectures philosophiques (chantier « Obstacles à l’apprentissage ») a donc bien eu lieu, mais elle a dû subir quelques métamorphoses numériques.
Le souhait d’éviter à nos pupilles de trop longs programmes virtuels nous a poussé à espacer notre programme : moins d’overdoses d’écran, plus de temps pour laisser mûrir nos réflexions et surtout plus d’occasions de « se retrouver », telle était l’idée !
Ladite « journée » s’est donc déroulée en trois temps différents :
1) Une vidéo « teaser » proposée dès le 18 février 2021
2) La journée du mercredi 24 février, consacrée via visioconférence à trois exposés, à un atelier « conte » et à un entretien philosophique
3) L’après-midi du mercredi 3 mars, consacré à deux interventions suivies de leurs temps d’échange et de questions.
Grâce à ces trois rendez-vous, distincts mais cohérents, nous avons eu le plaisir d’aborder la thématique de la lecture sous les angles suivants : « Lecture et oralité » ; « Techniques de conte et narration » ; « Buter sans être rebuté ».
Résumés des exposés et enregistrements :
Lecture et oralité
Dans cet entretien filmé, nous tenterons de dépayser notre réflexion en évoquant des usages et des statuts différents de la lecture. En allant regarder avant (par exemple : quand et pourquoi passe-t-on d’une lecture orale à une lecture silencieuse ?) ou ailleurs (par exemple : quel rôle joue la lecture dans certaines traditions religieuses orientales?), nous tâcherons, à l’aide de cette perspective anthropologique, de dénaturaliser un acte aussi évident que celui de lire.
Le concept d’ « oralité » est central dans les réflexions linguistiques comme dans celles des littéraires et des anthropologues (Fìnnegan 1977, Goody 2014). C’est pourquoi sa faible présence dans les pratiques scolaires de la lecture (et de la littérature) peut paraître étonnante. L’exposé reviendra sur les origines et les causes de ce rejet (Bickenbach 1999), ainsi que sur ses conséquences à l’école. Dans un deuxième temps, le retour en grâce de l’oralité à travers la lecture à voix haute (Lösener 2018) sera envisagé dans ses apports à la pratique pédagogique et notamment dans son application à des formes hybrides comme l’album adressé à la jeunesse.
Dans cet exposé, je tenterai de partager avec vous les « secrets de lecture » que Kierkegaard distille dans son œuvre aux multiples facettes. Dépassant largement les seuls écrits kierkegaardiens, ces secrets de lecture s’inscrivent dans un travail infini que nous connaissons tous : celui de devenir soi-même. Nul doute : lire y contribue, nous dit Kierkegaard ! Mais… Lecture silencieuse ou à voix haute ? Biographie ou fiction ? Pseudonyme ou autonyme ? Ce qu’il faut d’adresses et de ruses pour qu’un soi soit « soi » et soutienne le « devenir soi » d’un autre « soi » … Affaire à suivre !
Faites le petit exercice proposé en fin d’intervention en cliquant ici.
Voyez l’enregistrement en cliquant ici. [après l’intervention de Daniel Delbrassine]
Techniques de conte et narration
Comment fait-on pour souffler du rêve ? Conteuse, Chantal Devillez nous a proposé de comparer entre elles des prestations de conte et de déclamation, pour en tirer les éléments qui « marchent ». Grâce à ses conseils (3R et VIP) de lecture et d’incarnation, nous sortons de cette rencontre plus conscient·e·s des attitudes qui nous rendent présent·e·s à notre auditoire, et qui l’emportent plus sûrement dans l’univers des histoires que l’on veut leur déclamer, leur lire ou leur conter.
Nathalie Prince, dont l’ouvrage Ainsi parlait Nietzsche est récemment paru dans la collection « Les Petits Platons », nous a fait le plaisir de nous rejoindre pour un entretien autour des enjeux didactiques de sa transposition de l’œuvre nietzschéenne, dans une littérature jeunesse émergeante, la « philosophie jeunesse ».
La littérature comme terreau des problèmes philosophiques (je vous remercie pour le mot terreau qui donne une impression de bonne odeur, d’humidité riche, de profondeur et de nature). Je voudrais le développer ainsi : 1. Réflexions sur certains effets de la littérature. 2. À quelles conditions ces effets ont une dimension philosophique. 3. Quelques réflexions sur la didactique liée à ces considérations.
Buter sans être rebuté
« Nous soucier de ceux qui n’aiment pas lire ou de ceux qui peinent à comprendre les textes philosophiques ne devrait pas nous faire négliger la possibilité qu’ils aient quelque chose à nous apprendre ou à nous rappeler des puissances de la lecture, contre lesquelles le lecteur trop à l’aise pourrait bien s’être immunisé. Le dégoût de lire et la résistance à comprendre les philosophes nous invitent à remettre en question l’idée que lire serait par définition une bonne chose et la conviction que le meilleur usage que nous puissions faire d’un concept est de le comprendre : deux présupposés qui délimitent une image de la lecture étriquée, faisant de lire une activité parfaitement inoffensive. Si en revanche, comme nous le rappellent nos lectures d’enfance, la lecture ne se réduit pas à une cognition mais peut nous transformer, et si c’est là ce que les adultes peuvent notamment escompter des textes philosophiques, alors les pôles tendent à s’inverser: c’est la valorisation non questionnée de la lecture et la compréhension transparente des concepts qui éveillent les soupçons, tandis que l’incertitude, celle de parvenir à comprendre comme celle qui porte plus généralement sur ce que lire pourrait nous faire, mériterait d’être cultivées. En ce sens, l’essai ne devrait pas rester seulement un genre d’écriture, mais se pratiquer également comme un genre de lecture. »
[Cette intervention n’a pas été enregistrée]
Cette intervention partira du travail de recherche que nous pratiquons en duo depuis une dizaine d’années. A partir de traces matérielles (notes, brouillons, commentaires réciproques, etc.), nous nous intéresserons aux différents types de lecture que nous pratiquons au sein de ce travail commun d' »écriture »(d’articles ou de conférences scientifiques, notamment philosophiques). L’enjeu de cette intervention portera sur l’impossibilité de lire un texte – n’importe quel texte – sans prendre des notes, sans écrire, gribouiller d’autres textes, c’est-à-dire sans d’abord déstructurer ce texte, autrement dit sans d’abord être incapable de le lire. Il en ressort que le texte à lire et la capacité de lire ne sont pas donnés d’abord, mais le résultat d’un travail d’écriture qu’une collaboration de longue durée à quatre mains (et autant d’yeux) permet, sans privilège particulier, de mettre en évidence.
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