Ces trois séances interviennent, dans ma planification annuelle, en clôture de l’UAA 313 Bioéthique. Avant d’y parvenir, les élèves ont travaillé l’UAA 311 Vérité et pouvoir, en problématisant le concept de vérité puis en pensant les articulations entre vérité et pouvoir en traversant rapidement les théories de Foucault et Bourdieu ; ensuite, iels ont passé un bon moment sur l’UAA 312 Sciences et expertise, et ont notamment abordé les objets hybrides (ou chevelus) de Latour dans ce cadre.
Le cahier des charges de CPC étant « d’appliquer les démarches et les outils de la discipline philosophique à l’objet et à l’objectif qu’est la citoyenneté »((Compétences terminales et savoirs requis – humanités générales et technologiques – éducation à la philosophie et à la citoyenneté)), il m’a semblé essentiel d’aborder, au sein d’une UAA sur la bioéthique, les théories les plus contemporaines concernant le(s) vivant(s) et les questions non seulement éthiques mais juridiques et politiques qui se posent quant aux rapports que nous entretenons avec les non-humains (vivants ou pas d’ailleurs). Ceci afin de pointer les démarches actuelles des philosophes et de transmettre les outils non seulement conceptuels mais encore politiques qu’iels inventent.
Cette UAA entre ainsi en résonance avec le travail déjà entrepris au 2d degré dans le cadre de l’UAA 316 Relation sociale et politique avec l’environnement. Il est à noter que mes collègues de l’inférieur consacrent habituellement une bonne part de leur 4ème année au transhumanisme, sur lequel je ne reviens donc ni en 5ème ni en 6ème.
La première séance vise la transition d’une bioéthique conçue de manière anthropocentrée, et articulée à des questions qui ne concernent que des humains à une bioéthique des non-humains qui élargisse autant que possible le champ des questionnements bioéthiques.
Le travail entrepris jusque là sur les problématiques les plus communes de la bioéthique humaine (expérimentation scientifique, euthanasie, avortement) visait la conscientisation des élèves aux acteurices concerné.e.s par ces questions, et à la nécessité (discutable et discutée) d’une prise en compte de leurs paroles et points de vue.
En partant de la mise en question de la représentation juridique des grands singes, qui ont obtenu depuis les années 2010 des droits fondamentaux distincts mais comparables aux nôtres, on aboutira (par un cours dialogué qui guide progressivement les élèves) à questionner les trois grandes postures idéologiques que sont l’anthropocentrisme, le biocentrisme et l’écocentrisme. La clôture du cours pourrait être de leur demander de se positionner elleux-mêmes, voire -si on en a le temps- de discuter leurs propres arguments.
Documents : 1) deux histoires d’Orang-outans, distribué en début de cours en alternant les histoires de sorte qu’une fois lue la sienne les élèves doivent discuter avec leur voisin.e pour savoir laquelle est l’histoire vraie. 2) Info-fiche Sandra & Cecilia pour les informer des raisons de ces décisions. 3) retour sur la dernière page du feuillet « Quelques questions bioéthiques » : biocentrisme et inclusion des animaux comme sujets de doit, mais aussi (sans support, à présenter soi-même ex cathedra) écocentrisme et réflexion plus large sur les écosystèmes, en incluant les milieux non-vivants mais pourtant essentiels à la vie. Exemple de la reconnaissance de droits (principalement de préservation/protection/conservation) aux fleuves, lacs, parcs nationaux (via un statut de personne morale et l’attribution de représentants physiques).
La seconde séance – autre semaine, autre activité – comme ce idéalement par un rappel de l’élargissement que nous, humains, avons fait subir à notre perception des sujets de droit ces dernières années (pour les élèves, qui le découvrent pour la plupart, la semaine passée). Cette séance ira encore un pas plus loin : les philosophes que d’aucuns pourraient qualifier de « latouriens » – je préfère dire un vague « certain.e.s philosophes des sciences contemporain.e.s » – ont proposé il y a déjà une trentaine d’années d’officialiser la présence des non-humains dans les assemblées délibératives et décisionnelles en convoquant le Parlement des choses.
Documents : 1) Brindezingue à parcourir rapidement ensemble, en le commentant pour présenter les auteurs et expliciter les textes. 2) Différents dossiers concernant des « affaires » à faire discuter par un parlement des choses. 3) La feuille « Une affaire pour le parlement des choses » afin de guider le travail des élèves et en conserver une trace exploitable la semaine suivante. 4) Les documents concernant l’une ou l’autre « affaire » à soumettre au parliament of things (POT), à choisir pour la facilité de leur prise en mains par les élèves ou à leur faire créer.
Dernière séance de l’année, voire de leur vie : une session du Parlement des choses. Il faudra avant tout décider de l’affaire à traiter parmi celles travaillées par les différents groupes la semaine précédente, ce qui suppose une présentation de chaque affaire en quelques mots par chaque groupe (à supposer que les élèves présent.e.s soient celleux de la semaine précédente). La classe votera ensuite (selon les modalités qui vous paraissent les plus appropriées) pour l’affaire qui sera traitée. Une fois l’affaire choisie, la classe est divisée en délégations qui représenteront chacune un acteur de l’affaire (humain ou non-humain). Les membres du groupe dont on a choisi l’affaire intégreront ces délégations en qualité d’experts (ils ne pourront pas participer directement aux débats mais soutiendront le groupe dans la recherche d’arguments). Une dizaine de minutes de préparation plus tard, la discussion est enclenchée par un bref rappel, par l’enseignante, de l’aménagement légal proposé.
De nombreuses variantes sont possibles afin d’adapter cette séance aux réalités locales : outre un allongement du temps de discussion dont on dispose via le dépassement des 50min de cours (qui serait l’idéal), l’enseignant.e peut choisir l’affaire entre les deux dernières séances, ce qui permettra de photocopier la feuille de l’affaire afin que toustes les élèves en disposent dès le début du cours et puissent immédiatement préparer les arguments de l’acteur dévolu à leur groupe. Le temps de discussion sera alors augmenté (au détriment d’un travail de résumé et de présentation orale, et d’une décision venant des élèves). Il est également possible, surtout si les travaux résultant de la séance 2 sont mauvais ou inaboutis, de partir pour la séance 3 sur une autre affaire, préparée par l’enseignant.e.
Documents-élèves par ordre d'apparition
Quelques questions bioéthiques
Le livret très, très court, avec seulement les infos importantes dedans.
Tours de la question euthanasie et avortement
La page d'exercices à glisser dans le livret précédent
Deux histoires d'Orang-Outangs
Les deux petites BDs de Sergio Salma : une histoire vraie et une fiction, à identifier
Info-Fiche Sandra & Cecilia
De quoi résumer l'histoire (vraie) de Sandra et d'autres grands singes qui ont connu le même sort ces dernières années...
Brindezingue Le Parlement des choses
Petite introduction par les textes à l'idée de Parlement des choses, à partir de Latour, mais en faisant le détour par les autres penseurs de la diplomatie (Stengers et Morizot)
Une affaire pour le POT
Le Parliament Of Things a encore frappé... Enfin, c'est à lui qu'il faut confier l'affaire, plutôt. De quoi le faire.
Affaires à soumettre au POT (parliament of things) :
À analyser soi-même
Ici les documents sont « prémâchés » au sens où j’ai produit moi-même un résumé concernant cinq acteurices : les élèves qui s’en saisissent devront reconstituer les oppositions entre ces personnages et recomposer l’histoire qui les lie, pour pouvoir en tirer une discussion (orale) ou un dialogue philosophique (écrit) portant sur un aménagement légal pertinent à l’affaire.
Les rats à Paris
Extrait du livre Controverses mode d'emploi, du projet FORCCAST (cartographie des controverses, programme d'enseignement mis sur pieds à Sciences Po).
Les algues vertes en Bretagne
Extrait de la bande dessinée Algues vertes, l'histoire interdite qui relate en images l'enquête menée par l'autrice. Ici, je n'ai gardé que la partie finale reprenant les documents de l'enquête.
Les grands filets sous la lune (Bénin)
Article paru dans le hors-série du Socialter "Renouer avec le vivant" concernant surpêche et mangrove, et la collaboration entre ONGs et gouvernement béninois.
Fiches-acteurs : comprendre l'histoire qui les lie
Ici les documents sont « prémâchés » au sens où j’ai produit moi-même un résumé concernant cinq acteurices : les élèves qui s’en saisissent devront reconstituer les oppositions entre ces personnages et recomposer l’histoire qui les lie, pour pouvoir en tirer une discussion (orale) ou un dialogue philosophique (écrit) portant sur un aménagement légal pertinent à l’affaire.
Articles de fond concernant ces questions
Personnalité juridique des animaux
Pourquoi parler de « personne non- humaine » et non de « personne animale » ?
Relations diplomatiques humains-non-humains
Nouvelles alliances avec la terre. Une cohabitation diplomatique avec le vivant
Esquisse d'un parlement des choses
Proposition de Latour