Penser les liens entre experts universitaires et les non-experts se borne habituellement à la question de la vulgarisation, c’est-à-dire à comment « rendre le savoir accessible au grand public ». Or une telle vision est grosse de présupposés épistémologiques, politiques, institutionnels et pédagogiques. La vulgarisation présuppose ainsi des intermédiaires qui sont chargés de simplifier un savoir produit par des spécialistes (si cet effort n’est pas le fait des spécialistes eux-mêmes) afin de le communiquer à un public supposé vivre dans un monde traversé par d’autres centres d’intérêt que ceux de la science, entendue ici au sens large. Or, ce n’est pas la seule façon d’envisager les rapports entre le « grand public » d’une part, les experts et les savoirs qu’ils produisent d’autre part. Dans ce chantier, nous problématiserons notre rapport aux connaissances et nous chercherons à bousculer cette représentation des liens entre scientifiques et « grand public ». Pour le spécialiste, il s’agira de mieux comprendre les effets qu’il/elle produit quand il/elle prend la parole en fonction de sa manière de s’y rapporter; pour le « grand public », de se rendre plus puissant par rapport aux connaissances des scientifiques, de pouvoir les mettre en discussion tout en entrant dans la complexité des pratiques scientifiques ; pour l’institution d’organiser la recherche de telle sorte à ce qu’elle ne subisse pas les biais de l’hyper-spécialisation et de l’illusion du décrochage par rapport à la société ; pour tous de s’assurer de la robustesse du savoir en lui faisant passer l’épreuve de la traduction dans différents registres.