« Il ne faut pas toujours se fier à ce qui est écrit dans les livres » [1]. En d’autres termes : ce n’est pas parce que c’est dans un livre, que c’est vrai. L’univers magique d’Harry Potter n’est peut-être pas vrai, pas réel mais cela ne veut pas dire qu’il ne contient pas de vérités. La philosophie en tant que quête de sagesse, est également quête de connaissance. Cette connaissance peut être trouvée partout et en toute chose, même dans un univers rempli de magie, de sorciers et d’aventures extraordinaires. C’est en tout cas ce que veut nous montrer Marianne Chaillan au travers de son livre intitulé Harry Potter à l’école de la philosophie. L’autrice de ce livre est professeure de philosophie à Marseille, écrivaine et chroniqueuse française. Elle est reconnue pour sa capacité à rendre la philosophie accessible et divertissante notamment en liant philosophie et culture pop. Outre Harry Potter à l’école de la philosophie, elle a également publié, entre autres, La playlist des philosophes (elle nous invite à explorer comment les paroles de chansons peuvent être des médiateurs vers les grands textes philosophiques) et Game of Thrones, une métaphysique des meurtres.
Dans son livre dédié à l’univers de J. K. Rowling, Marianne Chaillan utilise les aventures de Harry, Hermione et Ron pour introduire et illustrer des concepts philosophiques complexes relevant de l’éthique, de la morale et de la métaphysique. Elle a divisé son livre en deux parties bien distinctes. Dans la première, elle nous invite à découvrir les grands courants philosophiques qui se cachent dans la saga. On cherche la philosophie dans Harry Potter. « Harry Potter à l’école platonicienne », « la question de la liberté » ou encore « par-delà bien et mal », voici quelques exemples de chapitres que l’on peut retrouver dans le livre. Dans cette première partie, l’autrice s’arrête sur des personnages, des créatures et des événements de l’histoire pour dégager les concepts et thèses philosophiques qui les sous-tendent ; la notion de phantasia dans la pensée stoïcienne, l’utilitarisme ou encore la dualité du corps et de l’âme de Platon imprègnent l’œuvre de J. K. Rowling.En revanche, dans la deuxième partie, l’autrice nous invite à nous mettre en quête d’une philosophie qui serait propre à l’histoire et à l’univers du jeune sorcier à cicatrice. Ici, on explore la philosophie de Harry Potter. Le concept développé dans cette deuxième partie est la mort. En effet, ce concept joue un rôle très important dans la saga et ce, dès le début de l’histoire. Par exemple, Harry Potter devient Harry Potter uniquement parce que sa mère s’est sacrifiée pour le protéger. La prophétie de Sybille Trelawney montre également la prééminence de la mort : « L’un devra mourir de la main de l’autre car aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit… »[2]enfin, dans le dernier tome, Harry consent à mourir afin de détruire le dernier Horcruxe qui se trouve en lui. Voldemort est également très tôt confronté à la mort (sa mère meurt en couche) ; en résulte une colère sourde qui le guidera vers des chemins très sombres. Pourtant, Voldemort et Harry ont eu des réactions complètement opposées face à la mort. Cette deuxième partie nous confronte à notre propre conception de la mort et nous propose de voir les choses différemment : la mort n’est pas une fin en soi mais il n’empêche qu’elle est une condition essentielle de la vie. Le conte des trois frères illustre très bien ce rapport ambigu à la finitude : trois frères reçoivent chacun un objet magique de la Mort : une baguette de sureau (la baguette la plus puissante au monde), une pierre de résurrection et une cape d’invisibilité. Le premier frère est tué pour sa baguette, le deuxième se suicide après avoir ressuscité sa bien-aimée, et le troisième vit longtemps en paix grâce à sa cape avant de l’offrir à son fils et de rencontrer la Mort comme une vieille amie. Nul ne peut échapper à la mort, pas même Harry qui, le moment venu acceptera de mourir. La mort est l’une des plus grandes peurs de l’Homme mais la saga Harry Potter nous montre qu’il est possible de dépasser celle-ci afin d’accueillir la mort comme une vielle amie.
Harry Potter à l’école de la philosophie est une œuvre qui réussit à rendre la philosophie accessible et captivante pour un large public. Marianne Chaillan utilise l’univers magique de Harry Potter pour introduire différents concepts philosophiques de manière ludique et engageante. Chaque chapitre aborde une question philosophique avec une grande précision mais également avec une grande clarté. En effet, l’autrice utilise des exemples très concrets sortis des livres et des films afin d’expliquer très clairement des concepts et des thèses philosophiques parfois assez épineuses. Ce livre montre que la philosophie peut être une source de sagesse et de guidance dans notre vie quotidienne, tout en nous permettant de redécouvrir l’univers magique de Harry Potter sous un nouvel angle. Marianne Chaillan réussit à démontrer que la philosophie n’est pas une discipline abstraite réservée aux académiciens, mais qu’elle peut éclairer nos choix et nos actions de tous les jours. Ce livre de vulgarisation philosophique est un véritable trésor pour les fans de Harry Potter amateurs de philosophie. Il offre une perspective unique qui enrichit notre compréhension des personnages et des thèmes de la série. Après la lecture de ce livre, le lecteur n’aura qu’une envie, se replonger dans la lecture des livres ou le visionnage des films et de tenter de déceler lui-même d’autres traces de philosophie. Cependant, si une critique devait être faite à ce livre, ce serait celle-ci : en tant qu’il est destiné à un public d’amateurs de philosophie, ce livre propose, peut-être, de la philosophie trop poussée à certains moments. C’est assez regrettable car cela peut être désagréable pour le lecteur. Il y a peut-être également trop de courants philosophiques différents qui y sont exposés. Le lecteur pourrait se perdre dans les différentes thèses énoncées.
On l’a dit, ce livre est parfait comme livre de chevet pour ceux qui veulent découvrir la philosophie de manière ludique, mais aurait-il sa place dans une classe d’élèves de 17-18 ans ? Il semble évident que la réponse soit positive, mais peut-être à quelques conditions. La première serait que l’enseignant s’assure que tous ses élèves connaissent la saga Harry Potter. Il n’est pas obligatoire d’être un fan absolu de la série mais il faut quand même en avoir un minimum de connaissance pour comprendre les liens que l’autrice fait entre l’univers de Harry Potter et les concepts philosophiques. De plus Marianne Chaillan précise dès l’introduction qu’elle se base sur les films et les livres, étant donné que ceux-ci sont plus complet que les adaptations cinématographiques. Il est donc d’autant plus important de s’assurer que les élèves connaissent l’œuvre de J. K. Rowling. La deuxième condition serait plutôt d’ordre pratique. Il serait plutôt déconseillé de demander aux élèves de lire le livre au complet en autonomie. En effet l’écriture de Marianne Chaillan est certes claire et facile à suivre mais le contenu philosophique du livre n’en est pas moins riche et précis. Certains sous-chapitres abordent des auteurs et des thèses philosophiques qui ne sont pas forcément vus dans une classe de philosophie en secondaire. Par ailleurs, le livre aborde beaucoup de thématiques différentes et cela pourrait décourager certains élèves. Au lieu de donner ce livre à lire en autonomie, il serait peut-être plus judicieux de leur donner un chapitre à lire à la fois. Ce chapitre pourrait servir d’introduction à une nouvelle séquence ou bien de conclusion ou de synthèse à la fin d’un chapitre de cours. Il faut plutôt voir ce livre de vulgarisation philosophique comme étant une banque de ressources tant pour le professeur que pour ses élèves.
En somme, « Harry Potter à l’école de la philosophie » de Marianne Chaillan est une œuvre qui réussit à rendre la philosophie accessible et captivante. En utilisant l’univers magique de Harry Potter, l’autrice introduit des concepts philosophiques complexes de manière ludique et engageante. Ce livre est une ressource précieuse pour les enseignants et les élèves, offrant une perspective unique qui permet de passer un moment de lecture agréable tout en faisant de la philosophie.
[1] ROWLING., J. K., Harry Potter et la chambre des secrets, Edition Gallimard Jeunesse, 2018, p. 310.
[2] ROWLING., J. K., Harry Potter et l’ordre du Phénix, Edition Gallimard Jeunesse, 2018, p. 998.