Marianne Chaillan, Games of thrones : une métaphysique des meurtres (Le Passeur, 2016)

Agenda
lun
mar
mer
jeu
ven
sam
dim
l
m
m
j
v
s
d
30
31
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
23
24
25
26
27
28
29
30
31
1
2
Cycle "Jouons à la philo" 5 – pédagogie critique et jeux de cartes
22/01/2025    
14h00 - 17h00
€0,00
Nos activités autour de l'usage des jeux en cours de Philosophie et citoyenneté, et plus largement dans l'enseignement et la pratique de la philosophie, reprennent avec cette après-midi axée sur leur usage au primaire.

Marianne Chaillan s’est fait un nom grâce à ses ouvrages de vulgarisation philosophique qui s’appuient sur des œuvres issues de la culture populaire. Parmi ses publications, Harry Potter à l’école de la philosophie et La Playlist des philosophes illustrent son talent à tisser des liens entre la philosophie et des univers emblématiques. Le livre présenté dans ce compte-rendu, Game of thrones : une métaphysique des meurtres, s’intéresse aux thématiques philosophiques que l’on peut discerner dans cette série culte.

La première partie porte sur l’éthique des personnages de Game of thrones. En effet, la série est connue pour sa représentation particulière de la morale : ses personnages correspondant à une idée classique de la vertu subissent généralement un sort funeste alors que ceux qui agissent de façon immorale se voient récompensés. Chaillan convoque les grands philosophes de la morale (Kant et Bentham) afin d’analyser les actions des personnages ainsi que leur cohérence. Elle remarque donc que la trame narrative de la série repose principalement sur l’opposition entre deux manières de concevoir l’action juste mais repère également d’autres sujets de controverses morales qui y apparaissent. Ainsi, elle aborde la question de l’inceste, du suicide assisté ou encore le traitement des personnes LGBT à travers le prisme de cette opposition entre déontologie et conséquentialisme.

La deuxième partie traite des questions métaphysiques et se compose de quatre méditations. Celles-ci abordent les sujets classiques de la philosophie comme la liberté, la croyance religieuse ou l’existence de l’âme. La série permet d’aborder facilement ces sujets car elle met en scène un univers entier composé de différents peuples. Ceux-ci possèdent des cultures et des croyances différentes et ce contraste permet d’illustrer les différentes manières de concevoir ces questions.

La troisième et dernière partie se concentre sur le thème central de la série : la politique. En effet, l’histoire de Game of thrones est avant tout l’histoire d’une lutte pour le pouvoir. Selon Chaillan, la question que pose principalement la série est « qu’est-ce qui caractérise un bon dirigeant ? ». Elle tente donc d’y répondre en comparant les multiples prétendants au trône aux grands philosophes ayant théorisé l’action politique comme Machiavel ou Hobbes.

Game of thrones : une métaphysique des meurtres paraît en 2016 et n’aborde par conséquent que les cinq premières saisons de la série, ce qui ne pose pas réellement de problème d’un point de vue de la richesse de l’analyse car l’œuvre est caractérisée par ses nombreuses intrigues et personnages (il y a du contenu à exploiter afin d’établir des liens avec la philosophie).

Pour les lecteurs qui pourraient être frustrés par l’absence d’analyse des trois dernières saisons, pas d’inquiétude : Chaillan a publié quelques années plus tard une suite dédiée à ces épisodes intitulée Game of thrones, une fin sombre et pleine de terreur. Dans ce second ouvrage, elle revient sur la fin, très controversée, de la saga et tente également d’en proposer une interprétation philosophique.

À mon avis, Game of thrones : une métaphysique des meurtres est à la fois très clair et accessible. Le livre aborde les grandes thématiques de la philosophie tout en ouvrant la porte à une diversité de sujets qui dépassent parfois le cadre de l’enseignement philosophique traditionnel, comme les questions de genre ou le travail du sexe. Cela en fait une excellente introduction à la discipline. Par ailleurs, les liens avec la série sont habilement exploités : Chaillan s’appuie sur des exemples concrets pour illustrer les problématiques abordées, intégrant des dialogues entre les personnages qui nous plongent directement dans l’action.

Ce livre se distingue également par sa capacité à interpeller le lecteur. Plutôt que de se limiter à présenter des philosophes et à établir des liens avec les intrigues de la série, Chaillan invite le lecteur à prendre position. Sommes-nous d’accord avec tel ou tel personnage ? Comment réagirions-nous dans une situation donnée ou face à une expérience de pensée ? En fonction de nos réponses, nous nous identifions à une doctrine particulière ou à un « camp » philosophique. La structure de l’ouvrage, qui s’apparente à un quizz personnel, incite donc le lecteur à créer son propre profil philosophique tout en explorant des questions auxquelles il n’avait peut-être jamais vraiment réfléchi auparavant.

Comme mentionné précédemment, je trouve que ce livre est un excellent support pour initier de jeunes lecteurs à une grande variété de sujets philosophiques. Les thématiques abordées sont nombreuses, et l’œuvre de pop culture choisie pour les explorer s’y prête particulièrement bien. D’ailleurs, dans la conclusion, Chaillan évoque la pertinence de l’usage d’une œuvre comme  Game of thrones afin d’aborder des thèmes philosophiques. Selon elle, la discipline est elle-même un champ de bataille où de différentes doctrines s’affrontent faisant parfaitement écho à cette série dont le thème principal est le conflit.

Un aspect qui pourrait toutefois rebuter certains lecteurs est le style un peu trop roleplay dans la présentation des philosophes. Si cela est agréable au début, car cela nous immerge dans l’univers, cela peut finir par devenir un peu pesant à force de lire constamment des expressions comme « Maester Machiavel » ou « Ser Jean-Paul Sartre ».

De plus, je me questionne également sur l’intérêt que les nouvelles générations pourraient porter à cette série. Si le livre a probablement connu un franc succès à sa sortie, le fiasco de la dernière saison et la gestion de la fin de l’histoire ont terni l’image de la série, réduisant son attrait global (beaucoup hésitent à la revoir en connaissant la conclusion). Un autre élément pouvant éventuellement engendrer un désintérêt pour la saga est probablement sa longueur. Contrairement à Harry Potter, qui se limite à une série de films relativement faciles à revisiter, Game of Thrones compte huit saisons avec des épisodes de 50 minutes chacun, ce qui représente un investissement de temps considérable. Ainsi, on peut légitimement se demander si recommander un livre basé sur une œuvre dont l’impact culturel pourrait s’éroder avec le temps reste réellement pertinent.

Classé dans :
Voir aussi :
Commentaires :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *