Compte rendu critique de l’« Antimanuel de philosophie » de Michel Onfray

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M. Onfray, Antimanuel de philosophie, Rosny, Bréal, 2001.

L’ouvrage « Antimanuel de philosophie » de Michel Onfray s’adresse principalement aux étudiants de lycées techniques à qui l’auteur dédie entièrement son livre. Dans cette perspective, l’ouvrage se présente sous la forme d’un manuel scolaire divisé en neuf chapitres et reprend les grandes notions du programme officiel des techniques : la nature, l’art, la technique, la liberté, le droit, l’histoire, la conscience, la raison et la vérité. 

Le but de Michel Onfray avec cet ouvrage, est de montrer aux lycéens qui trouvent la philosophie ennuyeuse ou sans intérêt qu’elle peut aussi être pratiquée avec plaisir et nous aider à résoudre des questions qui se posent dans notre vie quotidienne. Le postulat de Michel Onfray est qu’il appartient au professeur de philosophie de faire aimer ou détester la matière qu’il enseigne à ces élèves. Néanmoins, il rappelle à plusieurs reprises qu’il faut toujours distinguer la philosophie de celle qui est enseignée dans un cadre scolaire car elle ne se réduit jamais au cours de philosophie académique qui est lui-même limité par son temps, la subjectivité du professeur et les règles institutionnelles1

L’auteur tente donc le pari – à l’intérieur du milieu scolaire – de donner envie aux élèves de faire de la philosophie. Pour se faire, il lie chaque notion du programme à des questionnements ou des exemples concrets qui touchent directement les jeunes. Ceci en ajoutant des textes de philosophes reconnus et « masqués » par la tradition car subversifs comme la figure de Diogène par exemple, ainsi que des images attrayantes et sélectionnées en fonction de la thématique.

En somme, ce manuel tente de démontrer qu’il est possible de faire de la philosophie à partir des questions d’actualité et des intérêts des jeunes afin d’éveiller en eux le plaisir de philosopher. Par exemple, il aborde le thème de la liberté par le biais de l’architecture et pose la question suivante : « pourquoi votre lycée est construit comme une prison ? ». Dans l’introduction également, il pose d’emblée le ton de son livre par cette interrogation : « Faut-il commencer l’année en brûlant votre professeur de philosophie ? ». Ensuite, l’auteur se livre à une sorte de dissertation libre – qu’il revendique comme pleinement subjective et critique –  contrairement à d’autres auteurs qui vont plus facilement déployer la pensée de penseur classique à partir d’une question qui leur est propre. 

On pourrait reprocher à Michel Onfray de proposer aux lycéens – au sein d’un ouvrage qui relate l’histoire de la philosophie – une philosophie qui remet systématiquement l’ordre du monde établi en question. En effet, de façon générale le milieu scolaire n’encourage pas le professeur à adopter une position engagée face à ces élèves mais plutôt à aborder ces notions de façon « classique », c’est-à-dire à travers des auteurs que la tradition reconnaît et sans faire de lien direct avec le monde contemporain. 

Pour cette raison et comme le titre du livre l’indique par son préfixe « anti » qui désigne une opposition au manuel classique, cet ouvrage n’est pas franchement employable dans le milieu scolaire tel qu’il est donné bien qu’il soit dédié aux lycéens.     

Pour ma part, j’apprécie la lecture de ce manuel et il m’arrive régulièrement d’y jeter un œil lorsque je prépare une nouvelle séquence de cours afin de voir comment Michel Onfray a réussi à relier telle ou telle notion aux intérêts des jeunes. Effectivement, puisque le cours officiel de « Philosophie et citoyenneté » en Belgique se déploie de façon à philosopher sur des phénomènes de société contemporains, je pense que la réception d’Antimanuel de Philosophie dans ce pays est moins sujet à être reçu comme un « pavé dans la marre » au sein du milieu scolaire. 

En lisant ce manuel, on peut y dénicher des idées ou des auteurs qu’on n’attendait pas ou auxquels on n’aurait pas pensé et cela peut stimuler intellectuellement l’enseignant qui cherche à ouvrir son champ de vision pendant l’élaboration de sa séquence. Il peut également être intéressant pour l’étudiant qui voudrait aborder la philosophie à partir d’un regard plus léger, engagé, voire même humoristique. 

Cependant, je n’ai jamais considéré ce manuel comme un manuel de pédagogie car aucun exercice qui permettrait aux élèves de faire émerger leurs propres questions et leurs propres pensées sur le monde n’y est proposé.  Ainsi, le monologue qu’Onfray développe à partir des questions qu’il pose ne permet pas selon moi de faire entrer l’élève dans une véritable démarche de réflexion intellectuelle. En somme, je considère qu’on ne peut pas s’appuyer sur ce manuel pour faire travailler l’élève si ce n’est en lui offrant une lecture sympathique d’une question qu’il pourrait trouver attrayante. 

Pour ces raisons, je pourrais conseiller la lecture de ce livre à un élève qui voudrait lire un philosophe qui aborde la philosophie de façon concrète et non abstraite mais pas dans l’idée que cet ouvrage pourra l’aider à réfléchir par lui-même. 

Sur ce point, je trouve que l’Antimanuel de Philosophie d’Onfray n’est pas aussi alternatif et socratique qu’il ne se présente. Avec ce livre, Onfray montre certes aux élèves que la philosophie peut être abordée de façon plaisante et cela peut certainement donner envie à certains de l’approcher de plus près mais on ne découvre pas vraiment de voie alternative au niveau pratique. Michel Onfray respecte la structure classique du programme et donne quelques bons conseils à la fin de son livre afin de « séduire son correcteur » à l’épreuve de philosophie du baccalauréat. En définitive, la structure du livre ne propose pas un réel changement par rapport au programme classique et l’ouvrage ne montre pas aux élèves comment philosopher autrement qu’en restant cantonnés aux textes écrits par d’autres qu’eux même.  


  1. M. Onfray, Antimanuel de philosophie, Rosny, Bréal, 2001, p. 330.
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